Par Christian Vago
Crédit photo d’entête : Philippe Kahn, Fullpower® https://fullpower.com/
Énorme! De parcourir les notes biographiques de ce pionnier époustouflant de l’informatique moderne, pour la préparation de cet article, m’a arraché bien des rires d’admiration, et combien d’exclamations!
Article original sur https://tellhandel.blog/les-pionniers-40-ans-plus-tard-que-sont-ils-devenus-philippe-kahn-le-genie-de-borland/
Le Santa Cruz Tech Beat Journal décrit le personnage comme « l’une des cinq figures ayant eu le plus d’impact sur l’Histoire des nouvelles technologies ». Rien que ça! (source : https://www.santacruztechbeat.com/2017/08/16/philippe-kahn-named-one-mossbergs-five-influential-technologists/ )
L’épopée de Philippe Kahn est une extraordinaire aventure. Il m’a fallu intégrer cet article dans pas moins de 12 catégories et 44 mots-clés pour lui rendre justice. Un record éditorial. Et j’aurais pu en mettre davantage! Vous vous apprêtez à découvrir pourquoi.
Tout commence en 1952. Ou avant. Car c’est un destin incroyable qui attend le petit Philippe, lequel naît ce dimanche du 16 mars 1952, en France, à Paris.
Ses parents sont des immigrants juifs de condition modeste. La maman de Philippe est une survivante du camps nazi d’Auschwitz, violoniste, gradée colonelle de l’armée de la Résistance française. Sans doute est-elle celle qui aura transmis le goût de la musique à son fils. Papa Kahn, lui, est un ingénieur, autodidacte, détail héréditaire d’importance s’il en est, pour comprendre la suite de l’aventure.
Philippe grandit à Paris. Etudiant, il fait un passage remarqué en Suisse pour ses études de mathématiques qu’il suivra à l’École Polytechnique Fédérale de Zürich ETH, l’Université de référence pour les futurs mathématiciens et scientifiques. Il obtient un autre Master, toujours en mathématiques, cette fois à l’Université de Nice. D’étudiant il sera aussi professeur à Cagnes-sur-Mer en France.
En 1982 Philippe Kahn décide de quitter la France pour les États-Unis. Il s’en va avec $2000 dollars en poche. Toutes ses économies. Il s’installe en Californie, dans la Silicon Valley. Incapable de se trouver un emploi car n’ayant pas le statut légal requis, il décide de fonder sa propre compagnie dans le but de commercialiser un logiciel qu’il avait développé.
Un peu à l’image de Steve Jobs et Steve Wozniak avec les débuts de Apple, les premiers employés de Borland – parmi lesquels figurent un ancien directeur de restaurant japonais, une serveuse de cocktails ou encore celui qui était le dernier vendeur de soupe Campbell au Mexique – ne donnent pas forcément l’image d’une entreprise très sérieuse. Des années plus tard, lors d’un entretien accordé au Wall Street Journal ils décriront eux-mêmes leurs pratiques commerciales comme étant « à peine du bon côté de la loi ».
Mais Kahn les perçoit comme des personnes ingénieuses. Par exemple, alors que l’entreprise est à court de liquidités pour acheter de l’équipement de bureau, la société imprime un papier à en-tête impressionnant et envoie des lettres aux fabricants d’équipements, demandant à recevoir des exemplaires de leurs produits à des fins d’évaluation en vue d’une éventuelle commande importante. Les fabricants font alors parvenir des dizaines de pièces d’équipement et de fournitures informatiques à Borland. Un moyen peu commun de bénéficier d’un prêt sans qu’il en porte le nom, en attendant que la compagnie se trouve des sources de financement plus conventionnelles.
Philippe Kahn est âgé de 31 ans quand Borland devient une société incorporée. Nous sommes en 1983. La compagnie aura un parcours atypique, grimpant les échelons des entreprises high tech jusqu’à devenir la 3ème plus importante compagnie éditrice de logiciels au monde, avec près d’un demi-milliards de dollars de logiciels vendus, et 986 collaborateurs à son actif. Philippe Kahn y sera le CEO jusqu’en 1995, année où il est probablement poussé à la démission, un événement qui n’est pas sans rappeler un épisode semblable de la vie de Steve Jobs.
Dans un communique lapidaire, Philippe Kahn remarque alors qu’il est « clair que mon poste de CEO est devenu une distraction au moment-même où Borland a le plus besoin de se concentrer sur l’avenir et les challenges qui l’attendent. (…) Le conseil et l’encadrement ont confiance en Gary Wetsel (son successeur, le Vice-Président finances de Borland, ndlr) pour mettre au point et implémenter un nouveau plan de restructuration ».
Le premier grand succès de Borland est probablement son Turbo Pascal, créé par Anders Hejlsberg, l’homme qui développera plus tard les .NET et C# ainsi que le langage de programmation TypeScript, un JavaScript créé pour Microsoft.
Turbo Pascal est vendu en Scandinavie sous le nom de Compas Pascal. Nous sommes en 1983.
1984 voit le lancement de Borland Sidekick, une suite d’outils de gestion personnelle comprenant un calendrier, un éditeur de texte (avec une interface de commande de type WordStar), une calculatrice, l’intégration de symboles graphiques ASCII, un carnet d’adresses et un composeur téléphonique. Bien qu’il s’agisse d’un programme en mode texte, l’interface à base de fenêtres de Sidekick fait écho à celle du Macintosh et anticipe l’aspect graphique du Windows 2.0 de Microsoft.
Fin des années 1970, début 1980, les outils de bureautique qui font l’unanimité sur le marché s’appellent alors WordPerfect pour le traitement de texte, et Lotus 1-2-3 pour le tableur. Les Suites Office, qui regroupent divers logiciels en un seul paquet cohérent, n’existent pas encore (elles verront le jour plus tard, vers la fin des années 80). À l’époque les développeurs et propriétaires respectifs de WP et Lotus 1-2-3 sont la Brigham Young University (l’église mormone de l’Utah) et Lotus Software.
Avec son tableur exceptionnel Quattro-Pro, Borland vient totalement brouiller les cartes de l’homogénéité bureautique de cette époque, au point que ça lui vaut quelques procès, dont un retentissant avec Lotus, la compagnie du Massachusetts reprochant à la californienne de s’être trop inspirée de son produit. Trop peu trop tard, le rouleau compresseur Borland est lancé.
Épilogue de cette saison « Traitement de texte – Tableur », Lotus 1-2-3 sera au final repris par IBM, et WordPerfect par Novell (laquelle fermera ses portes en 2014) puis par l’éditeur canadien Corel (le logiciel Corel Draw) qui en fait d’ailleurs la commercialisation jusqu’à ce jour.
En 1991 Borland acquiert Ashton Tate, alors 3ème plus gros éditeur de logiciels au monde. C’est à ce moment que la compagnie de Philippe Kahn prend place dans le big three en plus de posséder désormais les droits sur le système de gestion de bases de données dBase.
Borland c’est aussi une foule d’autres solutions logicielles qui auront façonné durablement l’univers de toute une industrie. Pensons par exemple à Paradox, Delphi, Jbuilder, Interbase J2EE et AppServer.
L’entreprise sera encore active 20 ans après le départ de son co-fondateur en 1995. Elle ferme définitivement ses portes en 2015, soit plus de trois décennies après sa création. La canadienne Corel – encore elle – fait alors l’acquisition de Quattro Pro et le rebaptise Corel Quattro Pro.
Sous sa direction, Borland est la première entreprise de logiciels à offrir aux clients privés tous les avantages d’une suite professionnelle. Philippe Kahn est aussi un pionnier des droits des homosexuels dans la Silicon Valley. Ainsi, il est l’un des principaux orateurs de la conférence sur les droits des homosexuels le 19 octobre 1993 sur le campus de Apple.
Ceux qui ont l’occasion de le rencontrer témoignent du personnage.
Philippe Kahn appartient à cette catégorie de personnes brillantes, modestes et accessibles.
Michel Massain, Directeur des ventes pour la Région Europe – Afrique chez CredoLab
Un grand homme, un pionnier, un visionnaire avec qui j’ai démarré la filiale Française de Borland en 1985. Fier d’avoir participé à cette grande aventure humaine et technologique.
Joel Poggiale, Executive Business Advisor IT & Digital Markets
J’ai eu l’occasion et l’honneur de collaborer avec Philippe et cela reste une des plus marquante expérience professionnelle et humaine pour moi. Quelqu’un d’extraordinaire!
Sébastien Tornassat, Vice Président des Opérations stratégiques chez Medtronic
J’ai eu la chance de travailler pour Philippe. Il a non seulement été avenant avec moi, mais il a aussi fait preuve d’un énorme respect envers toute l’équipe. Il prenait le temps de rencontrer et remercier chaque personne sur place. Il est humble, c’est un vrai gentleman.
Darren Kelly, fondateur de CALNRG, San Rafael, Californie
Un homme incroyablement doué et généreux. Il a eu un impact énorme, non seulement sur la technologie mais aussi sur la vie des gens.
Andrew Van Valer, Responsable en Chef des Opérations chez Esaiyo Inc., Santa Cruz, Californie
L’inventeur du partage instantané par les caméras embarquées de nos téléphones mobiles et tablettes, c’est lui.
À quoi s’ajoutent plus de 230 brevets liés aux nouvelles technologies (en intelligence artificielle, IoT, détecteurs de mouvement novateurs, dans les technologies portables, les systèmes de positionnement GPS, télécommunications, la télémédecine et la surveillance du sommeil).
Philippe Kahn a quatre enfants. Marié à Sonia Lee, il fonde avec elle trois entreprises, LightSurf, Starfish Software une firme spécialisée dans la conception des systèmes de communication mobile, et Fullpower Technologies co-fondée aussi avec Arthur Kinsolving lui-même diplômé de l’Université Yale en science, ingénierie mécanique, qui est de l’aventure.
Fullpower® c’est une plateforme complète pour les algorithmes de classe médicale alimentés par l’Intelligence Artificielle, allant de la bio-détection sans contact aux services d’ingénierie de bout en bout. La plateforme de https://fullpower.com est soutenue par un portefeuille de plus de 125 brevets.
Les principaux domaines d’expertise de Fullpower sont donc la bio-détection sans contact, la surveillance à distance et la technologie de sommeil non invasive de niveau PSG (ou polysomnographie, un type d’étude du sommeil, de test multi-paramétrique, utilisé dans l’étude du sommeil qui sert d’outil diagnostic dans la médecine du sommeil).
Les marchés de Fullpower se situent dans les domaines des solutions médicales, de la surveillance à distance des signes vitaux, des essais cliniques et des plateformes portables.
L’aventure continue!
Christian Vago